fbpx

FRANCE : PASSÉ, PRÉSENT, FUTUR

Le Docteur Guillaume Zagury, en direct de Chine, partage son expérience chinoise (SRAS 2003 et 2 mois de suivi quotidien de l’épidémie du coronavirus en Chine), pour essayer de mieux appréhender la situation dans sa globalité.

Les observations n’engagent que lui-même et de nombreuses autres analyses existent, ce qui vous aidera à vous forger votre propre opinion.

A. Stratégie pour la France

La critique après coup, lorsqu’on dispose des éléments historiques, est aisée. L’objectif ici n’est pas de blâmer qui que ce soit (car nos autorités de santé sont la plupart du temps composées de gens remarquables). Il s’agit plutôt de fournir des éléments pour l’après et de sensibiliser sur la nécessité d’une réaction rapide, qui constitue la clé du succès face à une telle épidémie, comme nous l’ont montré les différents pays d’Asie, chacun à leur manière.

1. Défaut de préparation

1.1. Pénurie d’équipements de base (masques, tenues de protection, tests, etc.)

L’insuffisance est quantitative, du fait de la faiblesse des stocks stratégiques. D’autres pays, dont les Etats-Unis, sont dans une situation similaire, il convient donc de relativiser l’impréparation française et de questionner globalement le processus qui a amené à cette situation.

L’insuffisance est également qualitative, dans la mesure où la France et la plupart des pays occidentaux se sont mis en situation de dépendance vis-à-vis de l’Asie (pour des raison de réduction des coûts, entre autres) sur des domaines stratégiques pour la santé publique : biologie (tests) et pharmacie (antipyrétiques, antibiotiques,…), entre autres.


1.2. Un secteur hospitalier à flux tendus

Cette situation est la conséquence de la réduction du nombre de lits depuis 20 ans, en particulier des lits de réanimation, dans une logique avant tout comptable.


1.3. Des décisions parfois tardives et pas toujours homogènes

Autorisation de réunions à géométrie variable (5 000 personnes, 30 000,…) et parfois contradictoire avec autorisation de rassemblement de différents types :

  • religieux (comme à Colmar),
  • sportif (match du PSG à huis clos mais autorisation de rassemblement des supporters à l’extérieur du stade, maintien du match Lyon-Turin alors que les grands rassemblements sont interdits et que l’épidémie s’étend en Italie, etc.)
  • citoyens (maintien du premier tour des élections municipales alors que le confinement est esquissé, manifestations sur la voie publique, etc.), du fait de la prise en compte de données socio-politico-économiques, jugées plus contraignantes que la menace sanitaire.

Il sera intéressant d’observer l’évolution de l’épidémie, et surtout celle de l’utilisation des lits de réanimation et des décès entre le Portugal (mesures rapides et totales) et l’Espagne (voire la France) où la réaction a semble-t-il été plus progressive.

1.4. Trois spécificités françaises par rapport à des pays qui ont maîtrisé l’épidémie (tableau Covid-score)

Citons d’abord deux éléments-clés sur lesquels notre pays a à mon sens failli de façon très spécifique, mais où il est possible de corriger le tir :

1. Manque de précision dans l’identification des cas : les patients vont souvent voir leur médecin généraliste, qui ne peut effectuer de « tests minutes » (or de tels tests ont été développés au Vietnam ou en Thaïlande, des pays qui ne disposent pas des moyens technologiques de la France !)

2. Retour des patients peu ou pas symptomatiques à domicile : en pratique, le généraliste renvoie le plus souvent le patient chez lui avec les conseils minimums (antipyrétique, masque si disponible, suivi)

Or c’est une approche extrêmement risquée, qui engendre inévitablement des contaminations familiales malgré toutes les précautions prises. La pathologie est très contagieuse (comme l’illustre bien le cas du paquebot Diamond Princess où malgré le confinement dans les cabines environ 20% des personnes à bord ont été contaminées en moins de 2 semaines).

Toutes les stratégies asiatiques se sont concentrées sur l’identification rapide des cas (tests disponibles) puis leur isolement dans des structures dédiées. La fameux hôpitaux construits en quelques jours à Wuhan étaient essentiellement destinés à isoler les patients positifs de leur environnement familial, le temps que leur contagiosité disparaisse.

Il semble que l’Espagne a commencé à mobiliser les infrastructures hôtelières pour héberger les patients Covid, dans cette perspective de réduire les contaminations intrafamiliales.

Dernier point spécifique sur lequel la France peut mieux faire :

3. Faiblesse du monitoring des personnes contacts : un monitoring strict de toutes les personnes contacts s’est avéré extrêmement fructueux dans les pays asiatiques, même s’il peut parfois paraître  liberticide au premier abord (localisation via téléphone portable, mises en quarantaine imposées,…). Toutes les personnes contacts devraient être placées en surveillance pendant 14 jours (à domicile si négatif, dans des structures dédiées comme des hôtels réquisitionnés si positifs). Les digressions sur les mesures liberticides (temporaires) ne doivent pas empêcher l’action. Un pays démocratique comme la Corée du Sud y a eu recours avec succès.

Lorsqu’il y a un incendie, on l’éteint d’abord, on débat ensuite !

2. La digue de protection a cédé et nous sommes en phase invasive

Le confinement a ralenti la diffusion virale, mais elle se poursuit, notamment parmi les soignants et au sein des foyers.

Notre système de santé va devoir lutter (5% des patients Covid vont devoir passer 2 à 3 semaines en réanimation) de façon intensive, avec risque d’exposition des personnels soignants (au moins 6 soignants déjà décédés) et d’épuisement des ressources humaines.

Il faut vraiment féliciter tout ce travail d’équipe, car un hôpital couvre plus d’une centaine de fonctions distinctes.

3. Le risque à court terme : saturation du système

Le schéma suivant montre clairement les enjeux. Nous pouvons passer rapidement de 7 à 14 voire 20 000 lits de réanimation, mais la limite se situera sur les ressources humaines (en particulier les infirmières) et certaines équipements (difficulté de trouver des ventilateurs, même en Chine, du fait de la demande mondiale !).

4. Stratégie immédiate face à l’inévitable surcharge du système à moyen terme

4.1. Identification des patients à risque de décès

80% de la mortalité en France se concentre sur les plus de 75 ans.

99% des décès en Italie présentent un âge élevé ou une comorbidité (respiratoire, immunodépression, obésité morbide,…).

4.2. Reconstruire une digue protectrice étanche pour cette cible (les plus vulnérables)

– prévention : confinement à la maison strict (le risque en cas de contamination est de passer 3 semaines en réanimation) et mise en place de structures d’isolement des patients positifs, en priorité pour les Ehpad

– identification régulière des cas (généralisation des tests)

– protection des personnes vulnérables en équipant les soignants et les contacts par des tenus ad hoc

4.3. Pour la population générale “saine”

Confinement à géométrie variable et mesures de protection (pour les activités dont la poursuite est indispensable : transport, alimentation, sécurité,…) et télétravail. Différents modèles ont déjà été éprouvés (à Hong Kong, en Corée du Sud,…) et permettent de voir les résultats obtenus. Nous proposerons quelques standards à retenir, avec la mise à jour de notre tableau Covid-score.

5. Sortie de confinement : pas trop tôt 

Les éléments qui suivent sont les recommandations de notre équipe, sur la base de ce que nous avons pu observer en Asie. Ces éléments n’engagent que nous, et différentes stratégies sont évidemment envisageables.

5.1. Lits de réanimation

La sortie de confinement n’est pas envisageable avant de voir le taux d’occupation des lits de réanimation baisser (les décès surviennent majoritairement 3 semaines après le début des symptômes). Ce taux est un des rares indicateurs objectifs de la capacité du système de santé à faire face à l’épidémie.

5.2. Equipements de protection

La reconstitution des stocks de protection, idéalement pour l’ensemble de la population, est un point crucial. Nous tablons sur une consommation minimale de 40 millions d’unités par semaine.

5.3. Mesure de l’épidémie

– Obtention de données épidémiologiques précises par région (nécessite une meilleure détection des cas)

– Tests sérologiques pour évaluer la possibilité d’une immunité collective de la population

5.4. Par étape

Réouverture progressive des activités.

En Chine, les zones à peine touchées par l’épidémie (provinces du Tibet et Qinghai) ont repris un fonctionnement normal début mars. Les régions modérément affectées (quasiment tout le reste de la Chine sauf le Hubei) ont rouvert progressivement les lieux publics puis les lieux de rencontre (restaurants, bars, etc.), les établissements scolaires y sont toujours fermés, plus d’un mois après la fin du confinement !

5.5. Progrès thérapeutiques

Les résultats des différents essais thérapeutiques en cours pourront avoir un effet d’accélération sur la levée du confinement, dans le cas où des traitements montrent des résultats très favorables.

A NOTER : l’épidémie est bien couverte par les médias français au jour le jour. Nous vous proposons désormais nos “schémas-minute” pour vous faire votre propre appréciation des éléments dynamiques et des tendances, de façon à ne pas participer à la surinformation !

B. France J15 – Gestion des flux

Les éléments ci-dessous sont à lire avec les réserves concernant la validité des données (définition des cas, sous-estimation possible, etc.) déjà évoquées précédemment, et en gardant à l’esprit que ce sont les tendances qui comptent, plutôt que les chiffres bruts pris à l’instant t.

1. Incidence : 4 376 nouveaux cas confirmés (2 599 hier, 4 611 la veille)

Nous restons en phase de croissance épidémique. La chute du nombre de nouveaux cas dimanche ne s’est pas confirmée hier.

2. Prévalence : 33 599 cas actifs en observation (30,4k hier)

Sur cette seule base, le temps de doublement s’établit à 7 jours, il semble progressivement s’allonger depuis quelques jours. Cette tendance reste à confirmer dans les jours à venir.

3. Tendance (comparaison avec l’Italie) : trajectoire proche

La trajectoire de la France semble s’écarte lentement de celle de l’Italie avec 10 jours de décalage, mais cette tendance reste à confirmer en comparant le nombre de tests réalisés par les deux pays, donnée actuellement indisponible.

4. Distribution territoriale : toujours Ile de France et Grand Est

Une nouvelle méthode de comptage est en cours de mise en place, avec une réévaluation importante attendue du nombre de cas suite aux déclarations des autorités (annonce du  ministère de la santé le samedi 28 mars). Les chiffres par région seront fournis de façon plus exploitable pour tous d’ici quelques jours.

C. Incidence monde : une dynamique exponentielle

Merci à Stéphane, compagnon de la première heure pour sa participation.

Bien sûr avec toutes les réserves nécessaires quant à la validité des chiffres (disponibilité des tests, validité des données,…), mais ce qui est essentiel est la tendance.

1. Incidence : 64k nouveaux cas diagnostiqués (59k hier, 67k la veille)

C’est environ 20 fois les chiffres observés en Chine (environ 1/5ème de la population mondiale) au moment du pic dans le Hubei (3k par jour, selon les chiffres officiels).

2. Vision spatiale : 80% des nouveaux cas restent détectés en Occident (50% en Europe et 30% aux Amériques)

2.1. Par pays

Les Etats-Unis et l’Espagne restent en phase exponentielle.

  • USA 20k (+2)
  • Espagne 8k (+1)
  • Italie 4k (-1)
  • France et Allemagne 4k
  • Iran et Angleterre 3k
  • Canada, Turquie, Suisse, Pays Bas, Belgique 1k

Tableau : évolution chiffrée par pays

Graphique : évolution par pays

2.2. Par continent : ⅓ des nouveaux cas aux Amériques 

D. Prévalence monde

1. Chiffres (cas actifs) : 580k (538k hier, 490k la veille)

Le temps de doublement est de 6 jours (stable).

2. Vision spatiale par pays

Top 6 pays :

  • Etats-Unis 155k (135k hier), plus de 25% des cas actifs de la planète
  • Italie 76k (74k hier)
  • Espagne 63k (59k)
  • Allemagne 53k (52k)
  • France 34k (31k)
  • Iran 25k (23k)


Merci à Mathieu Bouquet, partenaire de la première heure, pour son aide précieuse.
Gardez en tête le “réflexe 3M” (Mains-Masques-Mètre) pour se protéger…. mais surtout pour protéger les plus vulnérables.

Confiance et solidarité pour ce combat collectif,

Dr Guillaume ZAGURY

Spécialiste en Santé Publique Internationale

Consultant en “Health Innovations”

HEC

En Chine depuis 2000.“Toute réussite est collective”, merci à  : 

– toute l’equipe “Back Up”  (Mathieu Bousquet, Carole Gabay, Flavien, Marie, Laetitia, Anne-Sophie,…),

– toute l’équipe médicale GVMN (Global Virus Medical Network : Dr Bachir Athmani, Dr Ibrahim Souare, Dr Viateur, Dr Taieb,…) qui permettent à ce projet d’exister, sans qui ce projet n’aurait pu voir le jour.

– tous les mécènes financiers (Jerome, Benjamin Denis & B Square, Benoit Rossignol, Arnault Bricout) qui oeuvrent pour des “Actions Citoyennes”

Si vous vous sentez l’âme de mécène ou de partenaires pour financer le développement informatique, n’hésitez pas à me contacter (guillaume@covidminute.com).

Également, même si une partie de l’équipe est basée à Shanghai, n’hésitez pas à venir nous rejoindre, car ce n’est pas le travail qui manque 🙂Pour ceux qui veulent prolonger la lecture avec un complément d’iconographies, sur des social médias occidentaux:

Know the latest updates

Powered byMedicilline